Tout Belge (voire non-Belge) fan de sport automobile a déjà rêvé de cet endroit, de ce circuit décrit comme le plus beau du monde. Planté au milieu des sapins, vallonné à souhait et possédant des virages plus sensationnels les uns que les autres, le Toboggan des Ardennes mérite sa réputation.
J’ai eu la chance d’y effectuer ma première course automobile dans le cadre des 24 heures 2CV les 15 et 16 octobre 2016. C’est grâce à Thierry De Zan, patron du DZ Compétition, que j’ai eu cette opportunité. Engageant d’habitude une BMW E46 325i dans le championnat BMW Clubsport Trophy, il a décidé de renouer avec ses premières amours et louer une 2CV de course au team FKR Racing pour les 24 heures.
Si évoquer une « deuch’ » pour faire une course automobile fait souvent rire au premier abord, il faut apporter quelques précisions. Certes il y a une catégorie Classic où la légendaire française frappée des chevrons est presqu’entièrement d’origine. Mais il y a ensuite trois autres catégories où les voitures sont de plus en plus préparées pour la compétition : Améliorée, Prototype et Hybride. C’est dans cette dernière, la « catégorie reine », que nous étions engagés. Et de la 2CV (ou plutôt de la Diane dans notre cas, qui sont autorisées également), les Hybrides ne conservent que peu d’éléments d’origine, et l’allure de la voiture ne fait plus que vaguement penser à celle de base. Si elle conserve le châssis et les suspensions, le tout est renforcé et adapté à la compétition. En ce qui concerne le moteur, c’est un moteur de moto BMW 850cc préparé, et ensuite bridé entre 70 et 80 chevaux.
Mais revenons-en à la course. Le vendredi et le samedi j’ai peu roulé, en essais libres ou en qualifications. Pas de quoi cerner parfaitement le comportement de la voiture, mais déjà néanmoins quelques enseignements à tirer.
En premier la position de conduite, assez particulière : le volant étant placé loin du corps et bas par rapport aux pédales, avec de plus le siège fixé au plancher, les jambes et les bras sont assez rapprochés et les bras plutôt tendus. Néanmoins, la direction n’étant pas exagérément dure, enchaîner les tours à son volant ne s’avérera pas excessivement physique, et donc assez accessible.
Deuxième constat, la boite de vitesse assez spéciale : c’est une boite à crabot sur base de celle de la GS, dont la grille était pivotée de 45° et le levier très long. Néanmoins, si elle obligeait à bien décomposer pour passer la bonne vitesse, elle n’exigeait pas de forcer pour les engager correctement. Certaines voitures sont équipées d’une boite séquentielle, qui donne un avantage certain au niveau du confort et de la vitesse de passage…
Troisième point, la rétrovision est loin d’être excellente, entre le rétroviseur central obstrué, et les latéraux rarement bien positionnés et vibrant énormément.
Enfin, s’élancer sur ce circuit est quelque chose d’assez indescriptible, et parcourir soi-même tous ces virages célèbres est réellement enivrant.
C’est en course que j’arriverai réellement à comprendre le mode d’emploi assez particulier de la voiture. Si la faible puissance se fait sentir lors des longues lignes droites en montée, entre le Raidillon et les Combes et celle de Blanchimont, le très faible poids (+-450kg) compense largement, et en fait une voiture ludique mais néanmoins accessible, grâce également à la traction avant.
Sur le sec, le comportement est assimilable au mélange entre un kart et une Peugeot 205 GTi. En effet, vu la très faible inertie, la voiture est vive et solide sur ses appuis. En plus, le moteur étant au-dessus des roues avant, la majorité du poids est positionné à l’avant, ce qui soude les roues directrices et motrices au sol. Le sous-virage est rarement présent malgré les pneus de série, et la motricité est infaillible sur le sec. Il faut dire qu’il n’y a pas grand-chose à passer au sol. Second effet de cette répartition des masses, le train arrière, qui n’a presqu’aucun poids à supporter, est très joueur. Un freinage tardif en appui fait glisser et pivoter le train arrière en entrée, et un lever de pied des gaz en milieu de virage a le même effet.
Tout cela ensemble en fait une voiture très amusante à conduire, particulièrement dans toute la descente des Combes au Raccordement. L’astuce est d’arriver à faire pivoter le train arrière pour avoir les roues avant le plus droit possible. Cela permet de garder un maximum de vitesse en courbe et accélérer plus tôt.
La 2CV Hybride est donc idéale pour effectuer ses premiers pas en sport auto, la relative faible vitesse exposant peu au danger, et le comportement ludique permettant d’apprendre les principes de base du pilotage. Et même pour des pilotes expérimentés, comme mon équipier habituellement pilote en Porsche Cup Benelux, cela reste très fun, comme en atteste la banane qu’il avait en sortant de la voiture.
Après, une course de 24 heures apporte son lot de difficultés. Il y a en premier le trafic à gérer, avec des catégories inférieures parfois très lentes qui n’ont pas toujours les bonnes réactions quand elles sont dépassées. Phénomène intensifié la nuit, avec les phares qui éblouissent et les rétroviseurs qui vibrent, ce qui ne permet pas de voir grand-chose de ce qu’il se passe derrière. La nuit donc ensuite, qui change tous les repères visuels aux niveaux des freinages et trajectoires, et qui ajoute parfois quelques nappes de brouillard. La fatigue des hommes et des machines enfin, qui se fait sentir le dimanche matin. Par contre, nous n’avons pas eu de pluie… ce qui aurait pu être vraiment fun avec la « deuch’ »!
Mais elle apporte également ses moments magiques comme le coucher et lever de soleil, la nuit malgré tout, et l’arrivée après 24 heures de compétition. C’est également une très chouette aventure humaine, le travail d’équipe nécessaire permettant de partager de très bons moments avec tout le team.
Au niveau des résultats de la course, nous finissons à une honorable 25ème place. Sans les deux pénalités pour dépassements sous drapeau jaune, la première en qualification nous obligeant à partir dernier et la deuxième en course, et l’accrochage pendant la nuit qui a obligé à réparer le cardan, l’axe de pivot et les freins, puis la rotule de direction plus tard, un top 10 était largement accessible au vu de nos performances.
Je tiens à remercier mes équipiers, et toute l’équipe, du DZ Competition comme du FKR Racing, ainsi que mes sponsors: Somagri, la Boucherie Sprimont de Gembloux, et tout particulièrement Spirit of Legend Cars, vendeur de voitures de luxe d’occasion, The Workshop, garage spécialisé en voitures de luxe et old/youngtimer, et leur marque d’huiles et lubrifiants filmogènes Technologie A9. Ils nous ont en effet fourni pour la course en huiles et lubrifiants, ce qui nous a aidé à n’avoir aucun problème moteur et une consommation en baisse.