La saison 2017 du WRC s’annonce d’ores et déjà sous un excellent jour. La nouvelle réglementation technique nous promet de belles machines à l’assaut des spéciales mondiales. Des moteurs plus puissants, des voitures aux voies plus larges, des ailerons imposants… le but de la FIA est de rappeler aux aficionados l’esprit des mythiques Groupe B des années 80 qui ont tant marqué les esprits mais qui ont été interdites pour des raisons de sécurité. Le législateur espère pouvoir concilier les deux, des voitures impressionnantes mais sécurisées. Nous ne serons fixés qu’au prochain Monte Carlo !
L’autre grande nouvelle est le retour à la compétition de deux constructeurs qui ont faim de victoires, qui ont l’expérience de cette victoire en WRC et qui se donnent les moyens de leurs ambitions. Citroën tout d’abord qui prépare activement une toute nouvelle C3 WRC répondant à la nouvelle réglementation après une pause d’une saison pendant laquelle Kris Meeke partage son temps entre le développement de la nouvelle arme des rouges et quelques rallyes sur une DS3 WRC engagée par PH Sport. Les résultats du Britannique sont pour l’instant exemplaires avec deux victoires (Portugal et Finlande) sur trois rallye disputés. La dernière fois que Citroën a fait une pause d’une saison, c’était pour préparer sereinement l’arrivée de la C4 WRC avec un titre de champion du monde pilote pour Sébastien Loeb. Le dernier titre de Citroën remonte à 2012 avant que Volkswagen ne prenne la relève. Pour Yves Matton l’objectif est clair : reconquérir la couronne mondiale.
Toyota fait également son grand retour avec une Yaris WRC qui tourne déjà depuis presque deux ans – même si ce n’est que depuis cette année qu’elle roule en configuration 2017. Toyota Motorsport Group (TMG) a confié le développement et l’exploitation de ses Yaris à l’ancien quadruple champion du monde Tommi Makkinen. Le Finlandais jouit d’une excellente cote de popularité au pays du Soleil Levant, ayant remporté tous ses titres au volant de bolides japonais. A l’origine du projet, Makkinen devait développer dans ses ateliers les châssis de la Yaris et TMG s’occupait de la partie moteur dans ses installations ultra modernes de Cologne. Mais très vite la décision fut prise de confier l’ensemble du développement de la voiture à Makkinen en Finlande à l’instar de ce que fait (faisait) M-Sport pour les Ford Focus puis Fiesta avec le constructeur américain. Est-ce la bonne solution que de se priver du savoir-faire des nippons de Cologne ? L’avenir nous le dira. Toujours est-il que Makkinen a installé ses quartiers dans la région de Jyväskylä – ville où se tient le rallye de Finlande – dans la ferme familiale. Le caractère paisible des lieux saura-t-il être le terreau fertile d’une WRC compétitive ? Là aussi l’avenir nous le dira. Les pilotes à se succéder au volant de la Yaris pour la développer sont nombreux. Les Finlandais Suninen et Lappi ainsi que le Britannique Evans et l’Allemand Tidemand liment les routes et les pistes de test tout en évoluant en parallèle en WRC 2. Makkinen bénéficie également du soutien ponctuel de son ami Mikko Hirvonen, sa très grande expérience étant on ne peut plus bénéfique pour l’équipe finlandaise.
Volkswagen continue son petit bonhomme de chemin en testant la version 2017 de sa Polo avec assiduité. On sait la base excellente et le pilote phare au top. Les – bientôt – quatre titres mondiaux pilote et constructeur consécutifs en attestent. De plus VW peut compter sur l’expertise d’un pilote du calibre de Marcus Gronholm comme valeur sûre pour développer son bolide. Les troupes de Jost Capito sont très certainement les mieux armées pour affronter ce nouveau défi tant la Polo R WRC a plusieurs longueurs d’avance sur ses concurrentes. Et il n’y a – a priori – aucune raison pour que la Polo devienne subitement “mauvaise” dès l’année prochaine. Ce sont les autres équipes qui doivent faire le job pour arriver voire dépasser les qualités de l’allemande.
Ford – dont le retour officiel a un temps été évoqué – teste aussi sa version 2017 de la Fiesta RS WRC par l’entremise de M-Sport. Un premier roulage du prototype a été effectué en juillet après plus de 12 mois de développement. Malcolm Wilson et ses hommes sont plus motivés que jamais pour relever le défi mais on sait les moyens du préparateur beaucoup plus limités que ses adversaires qui disposent de budgets “usine” pour développer leurs nouvelles voitures. Actuellement la Ford Fiesta est la quatrième – et dernière – force du plateau derrière l’intouchable Volkswagen Polo, la toujours fringante Citroën DS 3 et l’inconstante Hyundai i20. Les capacités d’un constructeur commencent à manquer depuis que Ford s’est retiré officiellement du WRC fin 2012.
Reste le mystère Hyundai. Depuis l’arrivée du constructeur coréen en championnat du monde, beaucoup d’observateurs se posent des questions sur les choix stratégiques opérés par l’équipe basée à Alzeneau en Allemagne. Les budgets semblent être principalement dépensés dans l’impressionnante hospitality transportée de rallye en rallye permettant de garer 4 WRC dans un garage fermé avec une mezzanine comprenant un restaurant avec vue sur les mécaniciens en plein travail sur les bolides plutôt que dans le développement de ceux-ci. L’actuelle i20 est arrivée en compétition avec un an de retard pour de sombres raisons d’homologation du modèle de route et cette année Hyundai semble préférer développer la version R5 de la i20 plutôt que le modèle 2017 répondant à la nouvelle réglementation. Avec ses pilotes, Hyundai joue aussi beaucoup à “je t’aime moi non plus” et change sans cesse son discours vis-à-vis d’eux. C’est Thierry Neuville qui est le souffre douleur de certains membres de l’équipe. On peut également s’étonner du fait que les pilotes titulaires n’ont pas encore pris en main le prototype 2017. “Nos pilotes n’ont pas encore piloté la version 2017 de la i20 WRC pour qu’ils restent concentrés à 100% sur leur saison.” nous disait récemment Alain Penasse. Certes, l’argument se tient mais ne serait-il pas intelligent de profiter du feed back des pilotes de course pour développer une nouvelle voiture ? Ce sont à priori eux qui sont le plus concernés par les directions prises dans le développement de la voiture.
Du côté des pilotes, la situation actuelle est tout aussi complexe et figée, tout le monde se regarde en chien de faïence du coin de l’oeil. La clef du jeu de chaises musicales semble être Thierry Neuville. On sait le Belge très talentueux et surtout redoutable quand il est dans des conditions optimales de confort et de confiance. Or, ces derniers mois, Hyundai a semble-t-il tout fait pour ne pas le mettre dans ces conditions. Tout a commencé avec les critiques très sévères du team manager Alain Penasse en plein rallye d’Allemagne l’année dernière. Puis Neuville a été “descendu” en team B alors qu’il a été engagé fin 2013 comme LE pilote phare de l’équipe. Depuis lors, l’eau a coulé sous les ponts, les tensions se sont apaisées mais elles sont toujours latentes.
Chez Hyundai justement, Hayden Paddon a signé l’année dernière un contrat de 3 ans. Il sera donc d’office au volant une i20 WRC en configuration 2017 surtout quand on sait à quel point il est le “chouchou” d’un certain Alain Penasse… Hyundai a également annoncé que l’équipe n’alignera que deux voitures en version 2017. Cela nous laisse donc une place de libre chez les Coréens.
Or la rumeur annonce que Dani Sordo aurait déjà signé son contrat avec son actuel employeur. Exit donc Thierry Neuville ? Ce serait presque la meilleure chose qui pourrait lui arriver tant on a le sentiment que Hyundai ne veut pas gagner avec lui. Il n’y a rien de mieux pour un pilote de course que de conduire pour une équipe qui va tout faire pour lui. Ce n’est plus le cas pour Hyundai envers Neuville.
Quels sont donc ses possibilités ? Il y a des baquets de libres dans chacune des équipes pour l’année prochaine.
Volkswagen a un contrat sur le long terme avec Sébastien Ogier. Les deux parties semblent indissociables comme pouvaient l’être à l’époque Loeb et Citroën. On sent que si le constructeur allemand quitte le rallye mondial, Ogier arrêtera aussi. Par contre, du côté de Latvala, les choses sont moins flagrantes. Le pilote finlandais est probablement le plus rapide intrinsèquement, plus qu’Ogier ou Loeb. Mais Jari-Matti commet beaucoup trop d’erreurs et cède trop souvent sous la pression. Pour preuve, depuis son arrivée chez VW, il a remporté 9 rallyes et terminé une fois troisième du championnat puis deux fois deuxième. Cette année il est actuellement troisième à 56 points de son équipier. Dans le même laps de temps, Sébastien Ogier a remporté 27 rallyes et trois titres mondiaux, et un probable quatrième titre en fin de saison. Le score est sans appel. Dès lors, quelle solution pour le Finlandais ? Rester dans la meilleure équipe ou partir vers un autre défi ? Le principal intéressé répond – pour l’instant – qu’il est bien où il est, il pilote la meilleure voiture du plateau donc il n’a pas de raison de voir ailleurs. Dont acte.
Mais avoir un équipier encombrant du calibre de Sébastien Ogier n’est pas chose aisée et est probablement le plus gros frein à un titre mondial, même avec la meilleure voiture. Demandez à des Carlos Sainz, François Duval, Dani Sordo, Mikko Hirvonen ou même Sébastien Ogier ce que c’est que de piloter pour la meilleure équipe aux côtés d’un rouleau compresseur qui écrase toute la concurrence sur son passage lors leurs expérience respectives chez Citroën. Dès lors cette voie ne serait probablement pas la meilleure pour Thierry Neuville qui arriverait dans une équipe totalement dévouée au champion du monde. Ce ne serait probablement pas le meilleur environnement où évoluer pour atteindre le titre mondial. Certes la Polo R WRC est la meilleure voiture du plateau mais il n’y a pas que ce paramètre unique qui fait d’un pilote un champion du monde. L’environnement de l’équipe et sa dévotion envers le pilote et la confiance que celui-ci va avoir font la différence.
La porte Hyundai semble fermée et la solution Volkswagen est loin d’être la meilleure pour Neuville. Restent Ford, Toyota et Citroën.
Ford justement. Thierry Neuville et Nicolas Gilsoul en gardent de très bons souvenirs sportifs tant leur saison à bord de la Fiesta RS WRC en 2013 fut excellente. Il ne manqua qu’une victoire pour faire de cette saison une campagne parfaite avec à la clef un titre de vice champion du monde. Certes Thierry a très vite compris le fonctionnement de la Fiesta, certes l’environnement au sein de la structure M-Sport est calme et sans pression mais le manque de moyens commence à se faire cruellement sentir. En 2011 et 2012, la Fiesta jouait le titre mondial face à la Citroën DS 3. Depuis lors, la Fiesta a entamé une longue et inexorable descente dans le classement se faisant ensuite dépasser par la Polo puis par la i20 de Hyundai. Le manque de budget, et donc de développement, se fait cruellement sentir et ce malgré quelques coups d’éclat ponctuels comme l’incroyable performance d’Ott Tänak en Pologne plus tôt cette saison. Malcolm Wilson aurait tout intérêt à conserver Mads Østberg, même s’il n’est pas le plus rapide, pour son expérience afin de tirer son équipe par le haut. Eric Camilli mérite également sa chance. Le Français a été parachuté en WRC en venant – presque – de nulle part. Il a fait des erreurs, c’est entendu, mais il a également montré un beau potentiel. Et selon l’adage “une année pour apprendre et une pour gagner”, il serait judicieux de le laisser dans le second baquet une saison de plus pour jauger son vrai potentiel. Mais Wilson ne cache pas son intérêt pour Neuville tant leur expérience commune en 2013 fut bonne pour les deux parties. Ce serait un excellent moyen pour lui de booster son équipe et d’attirer de nouveaux partenaires pour accélérer le développement de la Fiesta. Tant que Neuville n’aura pas annoncé sa décision pour 2017, M-Sport restera muet quant à son line up.
Toyota a deux options pour la saison 2017. Frapper un grand coup avec un pilote de pointe et afficher une ambition énorme – au risque de se prendre une grosse gamelle si les résultats ne suivent pas – ou bien se la jouer profil bas avec un line up moins sexy mais utiliser la saison 2017 comme une année de tests grandeur nature mais surtout de séduction pour un pilote de pointe en vue de la saison 2018 où l’objectif serait clairement de jouer le titre mondial. Une année pour apprendre et une année pour gagner ? Tout dépendra de la négociation avec Thierry Neuville – une fois de plus. Le risque pour Thierry est de se retrouver dans une situation similaire à ce qu’il a connu avec Hyundai à savoir débarquer dans une équipe partie d’une feuille blanche et qui a tout à apprendre du WRC. Certes Makkinen n’est pas le premier venu mais le rallye de 2017 n’est pas le rallye des années 90’s. Neuville peut se brûler les ailes en faisant ce pari et se retrouver dans les oubliettes du WRC comme le pari peut être payant et l’emmener sur le toit de la planète WRC.
Tommi Makkinen s’est offert les services de Mikko Hirvonen pour développer la Yaris, celui-là même qui a fait de la Fiesta RS WRC une voiture de pointe à sa naissance en 2011. D’ailleurs Mikko pourrait participer à l’un ou l’autre rallye en 2017 comme pigiste de luxe au cas où Neuville déclinerait l’offre de Toyota pour venir en aide aux pilotes – actuels pilotes d’essai – qui se retrouveraient propulsés en course pour le constructeur japonais. Et ces petits jeunes que sont Lappi, Suninen, Evans ou Tidemand sont tous très talentueux et n’attendent que cette opportunité pour prouver qu’ils ont bien leur place en WRC. Ici aussi, l’annonce du line up 2017 se fera après les négociations avec Neuville…
Reste le cas Citroën. Le constructeur français se donne les moyens de ses ambitions en ayant limité très fortement son implication en WTCC et en mettant la majorité de ses ressources vers son programme rallye. Le palmarès de la marque aux chevrons en sport automobile est impressionnant depuis 1990 et le programme Rallye Raid avec la ZX. Ce sont pas moins de 15 titres constructeurs (5 titres pour la ZX Rallye Raid, 8 titres WRC avec la Xsara, la C4 et la DS3 et 2 titres pour la C-Elysée WTCC) et 16 titres pilotes (4 titres pour Pierre Lartigue et un titre pour Ari Vatanen avec la ZX, 9 titres pour Sébastien Loeb et 2 titres pour Pechito Lopez). Citroën sait comment gagner quelque soit la discipline dans laquelle le constructeur s’engage.
C’est probablement le meilleur environnement dans lequel pourrait se trouver Thierry Neuville. Yves Matton a déjà clairement annoncé qu’il voulait le Belge et a fait valoir ses arguments auprès du principal intéressé. De plus Kris Meeke a déjà été confirmé dans le premier baquet de la future C3 WRC. Kris et Thierry s’entendent à merveille et se connaissent depuis de nombreuses années. Le Britannique est dans une spirale ultra positive avec deux victoires au compteur cette saison (autant qu’Ogier) mais en seulement trois rallyes disputés. Cette motivation tire l’équipe vers le haut et crée un environnement propice à la confiance et à la performance. Citroën veut Neuville et est probablement l’équipe qui a le plus d’arguments pour être au top à court terme. Thierry Neuville ne doit pas oublier qu’il est considéré comme l’un des meilleurs pilotes du plateau mais il doit confirmer ce statut au plus vite et jouer le titre mondial sinon sa cote auprès des teams va vite baisser et il risque de laisser passer sa chance d’être un jour champion du monde.
Comme on peut le voir, toutes les équipes – ou presque – sont intéressées par les services de Thierry Neuville et font toutes valoir leurs arguments pour convaincre le Belge de rejoindre leurs rangs. Mais ce n’est que lorsque celui-ci aura annoncé son choix pour 2017 que le jeu de chaises musicales va vraiment commencer.