Thierry Neuville et Nicolas Gilsoul vont embrayer sur une quatrième saison consécutive au sein de la structure coréenne basée à Alzenau en Allemagne. Cette collaboration a été telle un mariage, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur avec deux victoires pour le duo belge et une place vice-champion du monde qui se profile pour cette saison. Le pire avec trois voitures différentes développées en 4 ans donc avec autant de défauts de jeunesse à trouver puis à corriger. Le pire avec des luttes intestines qui ont plombées l’ambiance de l’équipe et donc les performances des équipages. Le point d’orgue de ces piques dans le dos est apparu au rallye d’Allemagne 2015 lorsque Alain Penasse a ouvertement critiqué Neuville dans la presse en plein rallye.
L’organisation, la gestion des resources et le développement des voitures n’ont pas toujours été le point fort de l’équipe non plus. On ne souvient tous de cette fin de saison 2015 où l’ambiance dans le team avait tourné au vinaigre entre le champion belge et le management de l’équipe poussant ce dernier à envoyer Thierry et Nicolas dans le « Team B » pour le dernier rallye de la saison. De plus la version actuelle de la i20 WRC devait débuter en compétition au début de la saison 2015. S’en était suivi un incroyable feuilleton repoussant la sortie de cette nouvelle arme d’abord au printemps 2015 puis à la fin de l’été pour terminer par lancer cette auto début 2016. Les raisons invoquées ont parfois été drôles et pathétiques comme cette sombre histoire d’homologation de pièces du modèle de série qui prenait du retard. Assez incroyable comme excuse pour un constructeur qui veut jouer le titre mondial en rallye.
Les début de la i20 WRC New Generation à l’amorce de la saison 2016 ont été quelque peu difficile. L’exploitation de la pleine performance de l’auto n’a pas été évidente à trouver tant pour les ingénieurs que pour les équipages, en témoignent les résultats plus que moyens de Thierry Neuville jusqu’à sa victoire en Sardaigne au mois de juin. Le fond du gouffre de l’équipage belge a été leur abandon au rallye du Mexique où deux erreurs successives auront raison de leur course. Mais leur force de caractère et leur confiance inébranlable leur feront remonter la pente et mettre le doigt sur les problème de la i20 WRC. L’arrivée de l’ingénieur Gérard Zyzik aura été l’ingrédient miracle pour que la mayonnaise prenne.
Ce dernier a été impliqué dans la conception initiale de la Polo R WRC chez Volkswagen et il est venu insuffler un nouvel esprit et de nouvelles méthodes de travail chez Hyundai. Les effets ont été presque immédiats dans les performances de Thierry Neuville et Nicolas Gilsoul si tant est qu’ils sont désormais bien accrochés à la deuxième place du championnat du monde et sont en passe de rééditer leur performance de 2013.
Le développement et les tests de la version 2017 de la i20 WRC répondant à la nouvelle réglementation ont été entamés assez tard dans la saison par rapport à la concurrence mais la base qu’est la version actuelle est semble-t-il très bonne et augure de bonnes choses. Thierry Neuville a été laissé de côté lors des premiers tests, son avenir au sein de l’équipe étant encore flou à la fin de l’été et au début de l’automne, le constructeur coréen n’a pas souhaité que le Belge teste la version 2017 de sa nouvelle arme si celui-ci s’en allait vers la concurrence. Mais dès la confirmation de la prolongation de son contrat, Neuville a été immédiatement impliqué dans la phase de test et de développement.
La confiance est désormais au beau fixe et nous savons tous à quel point c’est un paramètre important en rallye. La voiture fonctionne bien, il n’y a plus eu de problème majeur depuis l’arrivée de Zyzik, les podiums s’enchainent depuis le rallye d’Allemagne et la place de vice champion du monde leur tend les bras. La situation pour l’avenir est également éclaircie, autant dire qu’un maximum d’atouts sont dans la manche de Thierry Neuville et Nicolas Gilsoul sont dans leur manche pour briller en 2017.
La nouvelle réglementation est – sur le papier – alléchante. Des voitures plus puissantes, plus agressives visuellement, un gain aérodynamique non négligeable, un différentiel central piloté, tous ces éléments devraient nous donner des rallyes impressionnants. Dani Sordo est d’ailleurs survolté à l’idée de piloter ces nouveaux monstres en compétition. Mais quelle sera l’équipe qui sera le mieux préparée à ce changement de cap technique ? Celui qui parviendra le mieux à transmettre la puissance au sol en toute circonstance et sur toutes les surfaces sans perdre de motricité aura certainement un avantage décisif.
Volkswagen :
L’annonce surprise du retrait officiel de l’équipe quadruple championne du monde en titre en a surpris plus d’un. Comment une équipe qui s’est officiellement engagée en WRC de manière ferme et définitive jusqu’à la fin de la saison 2019 et ayant dominé les quatre dernières saisons de la tête et des épaules peut prendre une décision si abrupte ? Cela va presque à l’encontre de tout bon sens et surtout de tout respect tant pour le public que pour les membres de l’équipe. Reste à savoir de quoi sera fait l’avenir notamment pour les trois équipages. Autre détail troublant en cette période de flottement, Volkswagen a développé une voiture en configuration 2017 et serait sur le point de l’homologuer pour la saison prochaine. Alors pourquoi continuer à travailler pour l’avenir alors que le programme est censé être stoppé ? La rumeur insistante du moment serait que Red Bull rachèterait l’équipe et fasse courir les Polo R WRC 2017 à son nom, sur le même principe que M-Sport qui engage les Ford Fiesta. Dans cette optique l’équipe ne changerait pas beaucoup, les trois pilotes – Ogier, Latvala et Mikkelsen – restent en place dans une structure qu’ils connaissent parfaitement et dans une voiture qu’ils ont développé.
Par contre dans l’optique d’un arrêt pur et simple du programme VW, les trois pilotes se retrouvent sur le carreau. Sébastien Ogier sera forcément le plus sollicité. Citroën a déjà fait savoir qu’une place pourrait être faite pour lui mais le point qui fâche reste le prix du champion français. Nous savons tous à quel point Yves Matton tient à avoir un budget le plus serré possible pour faire rouler les nouvelles C3 WRC. L’autre équipe qui a fait savoir son très grand intérêt pour Ogier est M-Sport. Malcolm Wilson fait le forcing pour récupérer le champion du monde. Cela pourrait être une bonne transition pour Ogier, souvenez-vous de l’année de Neuville chez M-Sport en 2013. Le management de Latvala serait en contact avancé avec Toyota, la Finnish Connection est en pleine action avec Tommi Makkinen. Aucune informations ou rumeurs n’a par contre filtré concernant l’avenir de Mikkelsen.
Dans tous les cas si cette situation devait se produire, tous ces équipages se retrouveraient dans une nouvelle équipe et une nouvelle voiture qu’ils devraient chacun apprendre avec la période de transition nécessaire pour que la sauce prenne. La stabilité de Hyundai serait alors un atout décisif.
Citroën :
On le sait l’équipe française n’a pas pour habitude de débarquer dans un championnat pour faire de la figuration. Toutes les compétitions où elle s’est engagée, Citroën y a triomphé. Les rouges ont remporté et même dominé le Rallye Raid dans les années 90, le WRC a été bien évidemment marqué par les victoires de Citroën et l’équipe sort d’une campagne dominatrice de trois saisons en WTCC. Citroën a mis le paquet pour développer la nouvelle C3 WRC et sera donc une équipe à tenir à l’oeil mais les automatismes et les contraintes de la compétition devront revenir le plus vite possible pour jouer les premiers rôles. Le début de saison sera donc crucial pour Hyundai, s’ils parviennent à être dans le coup dès le début et à engranger de gros points immédiatement, ils vaudront probablement très cher au moment du décompte final.
M-Sport :
L’équipe anglaise dirigée par Malcolm Wilson est – chaque saison – un grand mystère. De nouveaux développements prometteurs sont en permanence apportés à la Ford Fiesta RS WRC mais les progrès sont systématiquement moindres que ceux de la concurrence. Les Fiesta ont de ce fait beaucoup de mal à briller depuis quelques saisons. Alors quid de la saison prochaine avec cette nouvelle réglementation permettant de faire repartir tout le monde de zéro ? M-Sport saura-t-il en tirer parti ? L’éventuelle arrivée de Sébastien Ogier pourrait rebooster les performances de la Fiesta même si le pilote seul ne peut pas faire de miracles non plus. Quoiqu’il en soit les pilotes Ford ne devraient pas être un trop grande menaces sur le long terme pour Hyundai.
Toyota :
Il reste l’énigme Toyota dans l’équation. Certes Toyota n’a pas l’habitude d’engager sa marque dans une compétition pour rien même si l’expérience F1 dans les années 2000 n’a pas été vraiment couronnée de succès. Toyota a un bel héritage en rallye, en témoignent les victoires et les titres dans les années 90. Mais cette Yaris qui est en développement depuis maintenant bientôt 2 ans n’a pas encore vraiment impressionné et les tests sur asphalte se font très (trop) rares. Toute la préparation de la voiture est désormais sous-traitée dans la structure de Tommi Makkinen en Finlande alors qu’à l’origine le moteur devait être préparé dans les ateliers de Toyota en Allemagne. Autre bémol, il n’y a pas encore de pilote de pointe annoncé pouvant faire bénéficier l’équipe de son expérience. Les débuts de Toyota ressembleront probablement aux débuts de Hyundai en 2014, à savoir un apprentissage total de la discipline et de ses rouages.
Quel que soit le plateau WRC 2017, Thierry Neuville et Nicolas Gilsoul disposent d’une belle carte à jouer. Stabilité dans l’équipe, la recette de la performance et de la fiabilité est enfin trouvée et la concurrence doit s’organiser. Citroën sera clairement à surveiller de très près et si les Polo R WRC sont toujours engagées, elles seront également très fortes. Hyundai se devra d’être parfaite, sur toute la chaine de la performance du plus « petit » mécanicien aux pilotes. Il faudra être au top sur tous les petits détails, ces fameux petits détails qui font une grande différence. Hyundai et Thierry Neuville ont tous les ingrédients en main pour parvenir à décrocher le titre suprême mais ils devront être au sommet de leur art et être directement dans le bon wagon dès le début de la saison.