Cette première manche de la saison 2017 nous permet de dégager quelques grands axes sur les forces en présence et surtout de faire ressortir les atouts et les points faibles des différents acteurs présents. Commençons notre tour d’horizon par les deux petits nouveaux dans le championnat, à savoir Toyota et Citroën.
Toyota Gazoo Racing WRC
Après 18 ans d’absence au plus haut niveau du rallye mondial, le constructeur japonais a décidé de revenir dans la discipline dans laquelle il a brillé il y a plus de vingt ans avec des pilotes de la trempe de Carlos Sainz ou encore Didier Auriol. Le développement et l’exploitation de la nouvelle Yaris WRC a été confié à Tommi Mäkkinen et son équipe finlandaise. Le quadruple champion du monde des pilotes a ainsi profité du retrait de Volkswagen fin 2016 pour faire jouer la Finnish Connection et recruter un pilote de premier ordre en la personne de Jari-Matti Latvala dont l’expérience et la pointe de vitesse seront précieuses pour développer l’auto.
Cette première confrontation avec la concurrence après des milliers de kilomètres parcourus en essais se jouait à quitte ou double. Soit la voiture se retrouvait à la ramasse complète avec un travail de plusieurs longs mois pour essayer de parvenir à remonter le niveau soit la performance allait être encourageante. Et c’est le deuxième cas de figure qui allait se profiler à l’horizon. Certes les Yaris ne sont pas encore au niveau des WRC les plus performantes mais un des points les plus positifs est qu’elles sont fiables. Ni Latvala ni Hänninen n’ont rencontré de soucis majeurs en terme de fiabilité de leur machine. Juho a fait une erreur sur une portion de route particulièrement verglacée et piégeuse mais le bolide ne l’a pas trahi. Récompense suprême pour toute l’équipe, Latvala est parvenu à passer au travers de toutes les embûches et a profité des abandons et des problèmes successifs de ses adversaires pour hisser sa Yaris WRC sur la deuxième marche du podium.
Il existe une loi en sport mécanique valable dans toutes les disciplines qui dit que pour gagner une course, il faut d’abord la terminer. Rien ne sert donc d’avoir la voiture la plus performante du monde si celle-ci est fragile comme du verre et ne permet à ses pilotes de rallier l’arrivée. Les hommes de Tommi Mäkkinen l’ont bien compris et ont conçu une voiture fiable. Il ne reste plus qu’à améliorer la performance de l’ensemble pour pouvoir jouer les premiers rôles sans devoir compter sur les déboires des adversaires. Ce travail sera néanmoins long et se fera par petits à-coups. La Toyota Yaris WRC reste malgré tout une belle surprise de ce début de saison, impression à confirmer bien entendu lors des prochaines manches.
Citroën Total Abu Dhabi World Rally Team
L’équipe française a outrageusement dominé la discipline dans les années 2000 et début 2010 pour glaner avec Sébastien Loeb pas moins de neuf titres de champion du monde des pilotes et huit titres de champion du monde des constructeurs en onze saisons entre 2003 et 2013. Puis selon le désir de son pilote fétiche, le constructeur est allé faire un tour sur les circuits du WTCC entre 2014 et 2016 pour remporter tous les titres pilote et constructeur distribués. En 2017 Citroën fait donc son grand retour en tant qu’équipe d’usine – non sans avoir conservé une cellule de veille depuis 2014 – pour reconquérir les titres mondiaux. Autant dire que les rouges sont attendus au tournant avec un historique comme celui-ci.
Ce rallye de Monte Carlo a été une véritable sinécure pour l’équipe française, en particulier pour Kris Meeke qui a cristallisé tous les problèmes possibles. Un moteur qui lui joue des tours, des sorties de routes sur les secteurs chronométrés et allant même jusqu’à un accident de la route sur le parcours de liaison mettant un terme définitif à sa course. Stéphane Lefebvre a réalisé une course plus discrète, rencontrant moins de soucis que son équipier britannique mais le pilote français n’a jamais été en mesure de s’approcher des meilleurs. Il a cependant montré de belles choses dimanche matin notamment en signant le scratch dans la spéciale du Turini. Certes ses adversaires jouaient la sécurité pour rallier l’arrivée mais il fallait quand même le faire.
Il y a du pain sur la planche pour l’équipe basée à Versailles. Il ne faut pas oublier que la C3 WRC est une toute nouvelle voiture qu’il faut encore développer tant en termes de performance qu’en termes de fiabilité. Comme pour Toyota, il faudra confirmer cette impression lors des prochains rallyes mais la C3 qui était attendue comme une pointure doit encore progresser sur tous les plans.
M-Sport World Rally Team
Malcolm Wilson a probablement réalisé le plus beau succès de sa carrière en parvenant à débaucher le quadruple champion du monde en titre Sébastien Ogier, bien aidé certes par le retrait de Volkswagen, mais il a su trouver les arguments pour convaincre le champion français. Et ce n’était pas gagné d’avance. Un pilote de la trempe de Sébastien Ogier ne roule que pour gagner, il lui faut donc la machine capable de jouer la gagne. Or M-Sport n’avait plus gagné le moindre rallye depuis le rallye de Grande Bretagne 2012 avec Latvala. Depuis 2013 et la perte du soutien officiel de Ford, M-Sport a connu une longue traversée du désert et une lente descente dans le classement. Mais Sébastien Ogier a quand même jeté son dévolu sur l’équipe britannique – peut-être par défaut – mais il semblerait que le pilote ne va pas regretter son choix.
Malgré des essais assez limités et une apparition tardive de la version 2017 de la Fiesta RS WRC par rapport à ses adversaires, M-Sport a réussi à concevoir un outil rapide et fiable. Seul Ott Tänak a rencontré des soucis de moteur en fin de rallye. Sébastien Ogier n’a certes pas été en mesure de jouer la gagne à la régulière, la performance doit encore être améliorée, mais la fiabilité, la hargne du champion du monde et cette petite chance caractéristique des plus grands a emmené Ogier, M-Sport et sa Ford Fiesta sur la plus haute marche du plus prestigieux des rallyes. La dernière victoire de M-Sport en principauté remonte à 2006 avec la Focus RS WRC et un certain Marcus Grönholm au volant.
Les hommes du directeur technique Christian Loriaux – déjà à l’origine des Fiesta victorieuses au début des années 2010 et de la Bentley Continental GT3 – ont remarquablement bien travaillé et il est certain qu’il faudra compter avec Ogier sa Fiesta pour jouer la victoire tout au long de la saison. Les troupes sont littéralement galvanisées par la présence de Sébastien Ogier et nul doute que les choses iront en s’améliorant d’autant plus que Tanak a déjà fait preuve de sa maturité et de sa pointe de vitesse. L’équipe est affûtée et sera parmi les grosses pointures de la saison.
Hyundai Motorsport
L’équipe coréenne a été la seule à jouer la stabilité. L’équipe technique est la même et surtout les trois pilotes ont été reconduits. La confiance est au beau fixe, tout le monde se connait sur le bout des doigts, les automatismes sont là et surtout les atermoiements et autres décisions hasardeuses tant d’un point de vue technique que du côté du management font désormais partie du passé. C’est probablement en partie dû au retrait de Volkswagen et donc à la (re)construction de toutes les autres équipes mais Hyundai apparaît comme la référence en ce début de saison, en particulier Thierry Neuville. Le pilote belge est en pleine confiance, il dispose d’un outil redoutable d’efficacité et il est bien parti pour éclairer ce championnat de sa vitesse et surtout de livrer une bataille de toute beauté avec Sébastien Ogier.
La performance qu’a livrée Neuville sur ce rallye de Monte Carlo est tout bonnement splendide tant on sait que Thierry a toujours eu du mal avec ce rallye, même si le résultat final est à l’image de ses précédentes participations. Thierry Neuville et son copilote Nicolas Gilsoul ont signé 6 temps scratches dont la Power Stage et ses 5 points. Ils ont su pousser quand il le fallait mais aussi jouer la sécurité à d’autres moments. Ils ont tous les deux fait preuve d’une maturité digne des plus grands pour mener à bien leur rallye. Mais une petite bordure en béton et une sortie de virage 30cm trop large ont mis un terme à leurs espoirs de victoire.
Le trio i20 Coupé WRC, Thierry Neuville et Nicolas Gilsoul fonctionne en parfaite symbiose et sera assurément la référence de la saison. L’auto est bien née, elle est rapide, elle est fiable et les pilotes sont affamés de victoire tout en sentant qu’ils ont entre les mains l’outil qui leur permettra de conquérir le titre suprême.
Cette saison s’annonce donc comme passionnante et plus ouverte que jamais. Hyundai et M-Sport semble être les deux équipes les plus affûtées actuellement mais il ne faut surtout pas mettre de côté Citroën dont la capacité de développement est redoutable ni Toyota qui ne s’est pas engagé pour faire de la figuration. Les écarts vont se resserrer en cours de saison et chaque point glané sera primordial au moment du décompte final ! Vivement le rallye de Suède à partir du 9 février.