Thierry Neuville, Hyundai et la i20 Coupé WRC forment le package le plus performant de ce début de saison. La domination dont a fait preuve le pilote belge lors des deux premiers jours de chaque rallye en témoigne. Il était à chaque fois confortablement installé en tête de rallye, au Monte Carlo comme en Suède, avec plus de 45 secondes d’avance sur son plus proche poursuivant lorsque la “tuile” est arrivée. L’impression de facilité affichée par la voiture #5 lors de ces deux manches aux profils radicalement différents a d’emblée confirmé les pronostics d’avant saison. Hyundai est la seule équipe à n’avoir rien changé dans son line up et son organisation durant l’inter-saison. Cette stabilité est censée donner un avantage à l’équipe coréenne en ce début de saison sur ses adversaires qui doivent de leur côté (ré)apprendre à travailler avec de nouvelles têtes ou tout simplement le WRC moderne (dans le chef de Toyota).
Mais l’impensable est arrivé deux fois consécutives pour Neuville. Toujours au même moment, à savoir la dernière spéciale de la journée du samedi alors que le duo qu’il forme avec son redoutable copilote Nicolas Gilsoul avait course (presque) gagnée. Vu de l’extérieur, il ne restait “plus qu’à assurer”. C’est sans compter avec la dure loi du sport. Deux infimes écarts de trajectoires qui auront dans les deux cas de très lourdes conséquences. Une sortie de virage quelques centimètres trop au large au Monte Carlo et c’est une suspension arrière qui flanche sur une petite bordure en béton. Une pile de pneus serrée de trop près pendant la super-spéciale de Karlstad en Suède, les clous qui équipent les pneus en Suède s’accrochent dans cette pile de protection solidement ancrée au sol et c’est la direction de la Hyundai qui rend l’âme projetant son équipage et leurs rêves de victoire dans le rail. Le plus frustrant dans cette histoire est surtout de voir qu’un pilote comme Sébastien Ogier a lui aussi connu plusieurs “erreurs” de pilotage qui auraient pu être éliminatoires lors des deux derniers rallyes mais le champion du monde s’en est à chaque fois sorti avec cette chance propre aux plus grands.
Comme le martèle sans cesse Thierry Neuville, la saison est encore longue. La saison “terre” débutera au Mexique du 9 au 12 mars et l’équipage de la Hyundai aura certainement à coeur de démontrer à la planète rallye que les favoris pour le titre mondial 2017, ce sont eux. L’optimisme et la motivation sont bien présents et leur moral semble inaltérable. Les spectateurs ne peuvent que s’en réjouir tant le spectacle offert par la nouvelle génération de World Rally Car est absolument dantesque !
Sébastien Ogier occupe actuellement la deuxième place du classement provisoire du championnat du monde, à seulement 4 points du leader et compte une victoire et une troisième place dans sa besace. En voyant ces résultats bruts, nous pourrions facilement dire que le pilote français est toujours largement dans le coup même s’il domine moins les débats. La réalité est cependant plus nuancée. Certes pour gagner il faut terminer, et Ogier a rempli le contrat de ce côté. Mais nous pouvons observer un pilote beaucoup plus humble que ce à quoi nous étions habitués ces dernières années. Sa domination outrageuse des dernières saisons est terminée (au moins temporairement). La Ford Fiesta RS WRC n’a pas été développée par ses soins, il l’a même découverte très tard et il faut reconnaitre que les hommes de Malcolm Wilson ont fait un boulot extraordinaire sous la houlette du Carolo Christian Loriaux pour ramener au premier plan M-Sport. Mais les bons résultats inscrits dans les tablettes sont surtout la conséquence des déboires des autres équipages, à commencer par Thierry Neuville.
Et puis il y a ce petit bout de chance qui peut parfois faire une grande différence. Au Monte Carlo Ogier se tanke dans un fossé enneigé mais parvient à s’en sortir assez rapidement là où d’autres seraient restés coincés de longues minutes. Au Monte Carlo toujours, il sort dans un champ et ne touche strictement rien là où d’autres auraient buté sur un obstacle quelconque. En Suède il sort trop large dans un enchainement de virages droite/gauche, dégomme deux ou trois piquets en bois puis continue sa route comme si de rien n’était. D’autre auraient cogné une pierre cachée dans la neige. Nous évoquerons à peine ce tête à queue 50 mètres après le départ dimanche matin, sans aucune conséquence. “J’ai fait l’une des erreurs les plus stupides de ma carrière dans la première spéciale ce matin [dimanche]. Dans le premier virage, au bout de 50 mètres, j’ai heurté un mur de neige et suis parti en tête-à-queue, puis j’ai calé le moteur et j’ai su que mes chances s’étaient envolées. Je n’ai même pas eu l’occasion d’essayer”, explique-t-il.
Pour remporter des courses et des titres mondiaux, les dieux de la course doivent être avec vous dans votre habitacle, Ogier les a amenés avec lui. Grand bien lui fasse et c’est bon pour la compétition mais Sébastien Ogier semble avoir pris cette année le rôle du chasseur plutôt que du chassé comme ces dernières années.
Citroën Racing est la (mauvaise) surprise de ce début de saison. Les rouges étaient attendus au tournant et on leur avait – peut-être un peu trop vite – collé la casquette de favoris pour cette saison 2017. Il est vrai que le palmarès de l’équipe française en WRC laisse rêveur avec 8 titres de champion du monde des constructeurs en 8 saisons entre 2003 et 2012. La belle campagne 2016 de Kris Meeke – même si elle ne fut que partielle – promettait de belles bagarres en tête des rallyes 2017. Les milliers de kilomètres parcourus en essais par la nouvelle C3 WRC étaient un indice supplémentaire pour placer Meeke, Breen et Lefebvre en orbite.
Quelle ne fut pas la surprise en découvrant des autos qui n’ont pas encore montré leur potentiel, même pas une esquisse là où tous leurs adversaires ont déjà démontré de belles choses. Les pilotes ont été brouillons dans leur pilotage, surtout Kris Meeke qui a déjà froissé pas mal de tôle alors qu’on le voyait se battre pour le titre. Le rallye de Monte Carlo a été un enchainement de malchance et de soucis en tous genres. Le moteur a posé problème obligeant le pilote à bricoler lui-même le groupe propulseur, Kris a fait plusieurs erreurs en course et le rallye s’est terminé lorsqu’un kéké est entré en collision avec la C3 WRC sur une route de liaison ! Yves Matton lui-même a déclaré à l’issue du Monte Carlo : “J’espère que toutes les tuiles nous sont arrivées sur ce rallye ! L’avenir ne peut être que meilleur !”
Et bien nous pouvons désormais affirmer que le ciel ne s’éclaircit pas encore pour Citroën. Meeke a encore fait des erreurs en Suède provoquant son abandon. Le problème est que le Nord Irlandais compte désormais 46 points de retard au championnat après seulement deux rallyes ! Il va falloir se reprendre. Craig Breen a quant à lui été plus convaincant. Pour son premier rallye au volant de la C3 WRC – et son 10e départ en WRC, il a fait un rallye propre et sans bavures pour terminer dans le top 5 sur une surface qu’il ne connait pas bien. Une réaction rapide de l’ensemble de l’équipe Citroën est malgré tout indispensable sous peine de se voir noyée aux deux championnats dès le début de la saison.
La – très bonne – surprise de ce début de saison vient du Toyota Gazoo Racing et de Jari-Matti Latvala. Là où beaucoup d’observateurs doutaient du projet de Tommi Mäkinen et de sa solidité et où Latvala était déjà enterré suite à sa campagne désastreuse, les Finlandais ont répondu de la plus belle des manières ! Latvala occupe la tête du championnat pilotes et Toyota n’est qu’à 20 points de M-Sport du côté des constructeurs.
Abordons tout d’abord l’équipe. Le retour de Toyota en WRC a été un véritable feuilleton à rebondissements. Les premières apparitions d’une Yaris WRC en essais datent du début de l’année 2014 quand Toyota Motorsport Group (TMG) a commencé à développer une version WRC de la Yaris Cup. C’est bien l’équipe Toyota basée à Cologne qui a été chargée du développement. À la base, cette situation était logique. Les installations de Cologne sont réputées modernes et ultra performantes et sont à la base des programmes F1 et WEC du constructeur japonais. La soufflerie de Toyota a d’ailleurs été utilisée pendant de longs mois par plusieurs teams de F1 dont Ferrari lorsque l’équipe italienne a rencontré des soucis avec sa propre soufflerie.
Toyota ne souhaitant pas mener de front ses programmes WEC et WRC avec la même équipe, l’option de la “sous-traitance” de ce dernier a été préférée. C’est Tommi Mäkinen qui a été retenu pour préparer le châssis tandis que le moteur devait toujours être développé à Cologne. Puis, après de nombreuses tergiversations, l’ensemble de la Yaris WRC sera prise en charge par la structure du Finlandais. Le quadruple champion du monde des rallyes a donc créé de toutes pièces une équipe de rallye dans son fief à Jÿvaskylä en Finlande. Entre-temps la réglementation 2017 a été définie et la Yaris version 2014 a sérieusement évolué pour arriver sur la version que nous connaissons. Ces atermoiements ont fait douter les observateurs qui se demandaient si cette petite équipe basée dans la campagne finlandaise aurait les épaules suffisamment solides pour assurer le programme WRC du premier constructeur mondial. On peut répondre par l’affirmative ! Tommi Mäkinen lui-même n’en revient pas, les objectifs de son équipe étaient d’apprendre en jouant quelques podiums sur la saison. Mais après deux rallyes seulement, Latvala et sa Toyota sont montés deux fois sur le podium dont une victoire. La première victoire de Toyota en WRC depuis 1999 revêt d’ailleurs une saveur toute particulière.
Et surtout pour Jari-Matti Latvala qui est sorti d’une campagne 2016 absolument désastreuse, la pire campagne de sa carrière depuis qu’il dispose de programmes complets en WRC. Autant le retrait de Volkswagen en fin de saison 2016 n’a pas été une bonne nouvelle pour Ogier, autant cette annonce est une véritable renaissance pour le Finlandais. Il expliquait lui-même être complètement désorienté l’année dernière. Il a perdu pied face à Ogier en voulant “faire comme lui”, en copiant ses réglages ou en mimant sa façon de piloter. Mais cette méthode n’a pas fonctionné du tout, bien au contraire. Pour beaucoup, Latvala était un pilote fini, un talent gâché à la réputation d’être extrêmement rapide – probablement le pilote le plus rapide intrinsèquement de ces dernières années – mais à la fiabilité plus qu’aléatoire. Le choix de Mäkinen d’embaucher Latvala a été moqué et critiqué, les plus sceptiques arguant le manager Finlandais de se reconvertir en carrossier !
Et pourtant… Libéré de cette pression qu’il s’était lui-même mise sur les épaules en roulant chez VW, Latvala renait littéralement et a produit deux rallyes de toute beauté qu’il a su gérer magnifiquement, sans faire d’erreurs et en produisant les efforts aux moments opportuns comme en témoigne son meilleur temps dans la Power Stage du rallye de Suède. Certes la rapidité global du package Latvala/Yaris n’est pas encore à la hauteur de l’association Neuville/Hyundai mais Latvala pourrait bien vite se retrouver dans la position d’un sérieux prétendant au titre mondial face à Neuville et Ogier.
La saison s’annonce donc sous les meilleurs auspices, les cartes sont totalement redistribuées après 4 ans de domination de la Polo R WRC et de Sébastien Ogier et ces WRC en version 2017 sont absolument bluffantes de rapidité. La FIA a d’ailleurs dû revoir en hâte sa réglementation sur les parcours en limitant à 130Km/h la vitesse moyenne en spéciale après avoir été contrainte d’annuler une spéciale en Suède pour cause de vitesse trop élevée. Un comble quand on sait que la nouvelle réglementation visait à augmenter les vitesses des voitures de rallye !