Avant de parler de 2017, revenons un peu sur la défunte saison. Quel bilan tires-tu de cette année passée au sein de M-port/Bentley?
Je dirais que c’est principalement au niveau des aspects « hors piste » que cette expérience m’a permis d’évoluer et d’apprendre. Dans le fond, je sortais d’un peu plus de 4 années passées chez Nissan, que ce soit en Blancpain GT Series ou dans d’autres compétitions, et j’y évoluais comme au sein d’une famille, couvé et dans un contexte tourné autour des pilotes avant tout. En arrivant chez Bentley et M-Sport, j’ai découvert un environnement très différent, pour une marque prestigieuse et bien plus typé « usine ». Ce fut le plus gros changement à gérer, et j’en ai appris beaucoup.
Sur le plan du pilotage et des performances en piste, je dirais que j’ai réalisé 4 très bonnes courses en regard du temps de roulage limité qui fut le mien par rapport à mes équipiers. Ils avaient déjà une année d’expérience avec la voiture ensemble, roulaient en Sprint et avaient davantage de roulage en essais que moi forcément. Si on tient compte de ces éléments-là, je n’ai pas à rougir de mes prestations.
Le seul bémol de la saison concerne Spa, que ce soit pour moi ou pour l’équipe d’ailleurs. J’ai effectivement commis une erreur, mais je ne fut pas le seul et ce n’est clairement pas ça qui nous a coûté la victoire au final. Tout ne peut pas être parfait tout le temps non plus.
Malgré ce bilan très positif, tu ne piloteras pas une Bentley cette saison. Pourquoi?
Soyons clairs, l’équipe était contente de moi et voulait me garder. Ils me l’ont répété à plusieurs reprises, mes équipiers aussi voulaient que je reste et m’ont soutenu dans ce sens. Mais voilà, avec le retrait d’Audi pour les raisons qu’on sait, il a fallu recaser leurs pilotes sous contrat et comme c’est la même « famille », ma place a été donnée à Oliver Jarvis. Sur les 6 pilotes de 2016, Andy (Soucek) et Maxime (Soulet) ont vraiment très bien marché, sont très complices et complémentaires dans la voiture et il n’y avait aucune raison de ne pas les garder, Guy Smith est présent depuis les débuts du projet Bentley en GT3 et a pour lui d’être un homme de la maison, c’est un peu une « légende » pour Bentley, il a gagné le Mans pour eux en 2003, etc. Quant à Steven Kane, il avait un contrat de deux ans en poche et donc pas de raison non plus de casser ça. Il ne restait que Vincent Abril et moi, et c’est lui que Bentley a décidé de conserver. Je pense qu’en termes de performances j’étais au moins aussi bon que lui, mais bon. Ce n’est pas le seul critère de « sélection ». Du coup, oui, dernier arrivé, premier parti.
Côtoyer des pointures telles Malcolm Wilson et Christian Loriaux fut-il impressionnant ou, au contraire, très naturel et facile à vivre ?
Concernant Walcolm Wilson et M-Sport, oui c’est clairement impressionnant. On se rend vite compte que c’est une grosse usine, une vraie machine de guerre qui ne laisse pas indifférent et ça impose le respect quand tu sais tout ce qu’ils ont déjà accompli.
Pour Christian, tu connais sa personnalité, c’est un mec qui sait te mettre à l’aise rapidement et c’est plus son niveau de compétence et son implication qui sont impressionnants.
Mais dans l’absolu, c’est surtout la responsabilité et le devoir de réussite qui en imposent. La pression est vraiment à un autre niveau que ce j’avais pu connaître avec Nissan.
Rouler pour une marque comme Bentley représente à la fois une pression et une motivation supplémentaire. Piloter pour un tel constructeur, ça amplifie tout forcément.
Quels seront tes meilleurs souvenirs de cette saison 2016?
Avant tout chose, sur un plan humain, je dirais que ma collaboration avec Maxime et Andy fut une superbe expérience. Ce ne fut pas facile en ce sens qu’ils sont très complices tous les deux et que nous avons des personnalités différentes, mais au final, ce fut vraiment génial de rouler avec eux.
D’un point de vue plus sportif, je mettrais le Paul Ricard et Silverstone en avant. En Angleterre, nous aurions pu briguer le podium alors qu’en France, sans l’incident lors du dernier ravitaillement (début d’incendie), nous aurions gagné la course.

Venons-en à ton actualité. Tu as été annoncé comme partie prenante du nouveau championnat Electric GT. Que peux-tu nous dire de cette nouvelle compétition?
En effet, normalement, je devrais courir en Electric GT. Certains détails doivent encore être confirmés, mais c’est bien vers ça que je me dirige.
Concernant le championnat en tant que tel, je n’en sais pas encore plus que ce qui a déjà été dévoilé dans la presse, à savoir qu’il y aura 7 courses – 4 en Europe et 3 en Amérique – disputées par 10 teams de 2 voitures. Il y aura donc 20 pilotes – dont je fais partie – regroupés dans le « Drivers Club », qui auront la priorité sur les autres et pourront tester la voiture, entre autres.
Dans un premier temps, toutes les voitures seront des Tesla Model S préparées pour la course. Mais l’objectif, d’ici deux ou trois ans, est d’attirer d’autres constructeurs. Dans l’état actuel des choses, la Tesla est tout simplement la voiture électrique la plus aboutie et performante qui existe sur le marché et constitue donc la meilleure base pour lancer le championnat.
Comment en es-tu arrivé à être sélectionné dans ce Drivers Club?
En fait, j’avais déjà entendu parler de ce championnat et j’ai donc jeté un oeil sur leur site. Là, ils ont un système de sélection un peu particulier. Ils proposent des offres d’emploi dans lesquelles tu dois remplir un formulaire, communiquer ton palmarès et y joindre une lettre de motivation et des photos. J’ai envoyé tout ça et ils m’ont recontacté pour me dire que j’étais sélectionné, tout simplement. Au même titre que Tom Coronel ou Alexandre Prémat par exemple.
Ton intérêt est donc antérieur à l’issue de ton aventure Bentley?
Oui, clairement. Bien entendu, que ce soit pour, pour moi, ou même pour l’avenir du sport automobile, je leur souhaite le meilleur. Mais avant tout, je pense que ce n’est pas demain que les moteurs thermiques disparaîtront des circuits et c’est tant mieux. Cependant je suis persuadé qu’il y a de la place pour des compétitions alternatives et les voitures électriques en font partie. On voit bien que la Formule E marche bien et quand on sait que la Tesla est plus puissante, plus rapide, avec de plus grosses batteries, il y a clairement du potentiel pour réussir un chouette truc. En plus, je pense que ça pourrait être très intéressant sur le plan du pilotage. C’est une approche différente, mais moi ça m’intéresse.
Je trouve que ça a un réel intérêt qui ouvre de nouveaux marchés sur le plan marketing et ça peut également apporter beaucoup sur le plan technologique aux véhicules électriques de série.
En parallèle de cet engagement, on sait combien le GT3 est devenu onéreux. Envisages-tu malgré tout de rouler dans une compétition du type Blancpain ou GT Open, ou as-tu renoncé à cette perspective pour 2017?
Je n’ai pas encore abandonné l’idée de rouler en Blancpain GT Series, même s’il y a très peu de chances que ce soit en tant que pilote pro (entendez rémunéré, ndlr), mais j’attends encore quelques réponses. Je ne limite cependant pas ma recherche au GT3 et je tente ma chance dans d’autres championnats également. L’objectif reste de rouler un maximum dans un championnat compétitif.