
Jaguar : Petit poucet au sein du peloton GT3, Emil Frey Racing est le seul préparateur privé à concevoir, construire et engager sa propre voiture face aux modèles issus des ateliers de grands constructeurs. Pour autant, l’écurie suisse a démontré son savoir-faire en dépit de moyens très limités. Vainqueurs en Pro-Am lors de la dernière épreuve 2015 au Nürburgring, les hommes de Lorenz Frey ont franchi un cap cette saison en recrutant le toujours rapide et très expérimenté Stéphane Ortelli et le véloce Espagnol Albert Costa pour engager une Emil Frey Jaguar G3 évoluée en catégorie Pro, visant désormais des résultats au général. Compétitive dès l’entame de la saison à Monza, la belle bleue s’est révélée très rapide, se hissant régulièrement dans le Top 10, voir les cinq premiers de la feuille des temps. Las, quelques petits soucis de fiabilité ou la malchance privaient le trio Frey-Ortelli-Costa de points mérités. Mais chez les Helvètes on ne baisse pas les bras facilement! C’est donc non pas avec une mais deux voitures qu’Emil Frey Racing posait ses valises à Spa la semaine dernière. Deux Jaguar engagées en catégorie Overall, la #14 confiée à la triplette habituelle tandis que la #114 se voyait emmenée par Markus Palttala, vainqueur sortant, Christian Klien, ex pilote F1, et Jonathan Hisrchi, talentueux pilote suisse, quoique sous-estimé. Si les deux voitures manquaient la Super Pole et s’élançaient au delà de la trentième place, elle ne tardaient pas à remonter au classement pour jouer les premiers rôles, intégrant le Top 20 au terme de la première heure et même le Top 5 une heure plus tard. Si la #14 connaissait quelques soucis, la #114 poursuivait sur son élan pendant plus de trois heures encore avant de s’accrocher avec l’Audi #28 à la nuit tombée, la Jaguar perdant alors de nombreux tours pour réparer une direction endommagée. Bien que toujours très rapides, les deux GT3 préparées en Suisse allaient ensuite rétrograder progressivement, victimes de divers incidents. Mais l’essentiel est là : la voiture est très rapide et a prouvé qu’elle pouvait tenir plus de 6 heures sans problème mécanique… à revoir sur le théâtre de son dernier exploit, mi-septembre au Nürburgring!

Lamborghini : Ce ne sont pas moins de 11 Huracàn GT3 et une Gallardo R-Ex qui garnissaient la grille de départ de ces 24 Heures de Spa. Si trois seulement étaient inscrites en classe « Overall », un contingent de 7 taureaux de Sant’Agata Bolognese concourraient en Pro-Am Cup, les trois derniers émargeant à la Am-Cup. De quoi nourrir quelques espoirs de podium. Après le déclassement des Mercedes, la #16 Grasser Racing Team s’élançait en première ligne, bien décidée à faire briller les couleurs de Lamborghini. Mais ce n’est qu’au terme de la deuxième heure de course que les Huracàn faisaient parler d’elles, la #19 Grasser pointant alors au sixième rang tandis que la #100 Attempto Racing, neuvième au général, menait la danse en Pro-Am Cup, les #666 et #78 de Barwell Motorpsort figurant aux troisième et quatrième positions de cette même catégorie. Au passage de la sixième heure, la #19 marquait les points de la quatrième place tandis que la voiture soeur #16 était classée dixième, la #100 occupant la deuxième position en Pro-Am Cup tandis que la #69 ARC Bratislava complétait le podium en Am Cup. Un bon premier quart qui ne se confirmait pas à la mi-course, seule la #16 pointant à la sixième place au général, là où la #19 avait chuté au 24ème rang à quatre tours des leaders et la #100 n’était plus que sixième en Pro-Am. En Am Cup, la #69 figurait désormais au quatrième rang, une place qu’elle ne quitterait plus jusqu’au drapeau à damier. Meilleure représentante de Lamborghini, la #16 croisait la ligne d’arrivée en onzième position à quatre tours des vainqueurs, sans jamais avoir vraiment semblé en mesure de viser mieux. Pourtant, trois autres Huracàn GT3 figuraient dans le Top 20, prouvant que la voiture a du potentiel, qui demanderait à être mieux exploité. Question d’expérience des équipes et de qualité des équipages, mais également de réussite quand on constate que le meilleur tour en course d’une Lambo échoit à la #666 Barwell Motorsport, engagée en Pro-Am Cup, deux dixièmes de mieux que la meilleure « Pro » et à seulement 0″407 du meilleur chrono de la BMW victorieuse.

McLaren : Que dire à propos de McLaren si ce n’est qu’on attendait davantage des trois 650S GT3 alignées par Garage 59 sous la houlette de Bas Leinders. Arrivée en leader du championnat et forte de deux victoires, la #58 trébuchait une première fois lors de la Super Pole, ne pouvant être créditée du moindre chrono suite à un problème mystérieux… La course n’allait pas dévier de cette trajectoire descendante. Pourtant les trois voitures étaient confiées à des équipages de qualité et nul ne peut démentir les compétences de Bas Leinders sur le muret des stands. Mais les GT3 made in Woking ont pêché sur le plan de la fiabilité d’une part, n’ont jamais affiché la vélocité à laquelle elle nous avaient habitués depuis le début de la saison d’autre part. Enfin, il semblerait que les seules GT3 à coque carbone du plateau ait été prises pour cible par le reste du peloton, les 650S étant victimes plus souvent qu’à leur tour d’accrochages en tous genres. Il faudra attendre le pointage horaire de la quatrième heure pour apercevoir une McLaren dans le Top 10 – sixième exactement avec la #59 – alors que la #58 qui joue le championnat parviendra à décrocher les points de la huitième place au top des 6 heures pour ensuite dégringoler au classement, sans scorer au terme du premier ou du deuxième tour d’horloge et ne croiser le drapeau à damier qu’au 31ème rang à 18 tours des vainqueurs. Une fois encore, McLaren aura démontré ses limites sur une épreuve de très longue haleine, au delà de la malchance, les 650S GT3 n’ont jamais semblé réellement dans le coup. Elles auront une revanche à prendre en 2017.

Mercedes : On avait mis les petits plats dans les grands chez Mercedes-AMG avec 8 AMG GT3 au départ dont 6 en « Overall » réparties entre HTP Motorsport (3), Black Falcon (2) et AKKA-ASP (1). Mais les ambitions de la marque à l’étoile ne s’affichaient pas uniquement sur la piste, avec une hospitalité somptueuse à la Source, le soutien du groupe Linkin Park et des décorations spécifiques, comme pour marquer la présence d’équipages de pointe. Mercedes était venu pour gagner, conscient de disposer de la meilleure GT3 du plateau. Une force que Stuttgart avait tenté de protéger d’un ajustement de la BoP en en gardant sous la pédale au Paul Ricard ainsi qu’à l’occasion du Test Day. Tout se déroulait parfaitement pour les AMG GT3… jusqu’à la Super Pole! Avec 6 voitures dans le Top 20, tous les observateurs s’attendaient à en voir au moins une ou deux émerger au sommet de la grille de départ tant le potentiel des bolides étoilés était évident. Mais de là à ce qu’elles monopolisent les trois premières lignes en signant une pole stratosphérique… il y avait un (énorme) pas que seul Mercedes a osé franchir pour poser ses godasses dans le plat! Nous nous sommes déjà exprimés sur cet épisode et resterons donc concentrés sur les résultats en course. Si quatre des six voitures pénalisées profitaient de la première neutralisation pour purger de manière fort opportune leur stop & hold de 5 minutes, ne perdant qu’un peu plus d’un tour au passage au lieu des 2,5 à 3 prévus, la course poursuite n’en était pas moins colossale pour les AMG GT3. Ne marquant aucun point après le premier quart de l’épreuve, on retrouvait déjà les #84 et #86 HTP aux septième et huitième rangs à la moitié de la course tandis que la #88 AKKA-ASP était douzième, toutes trois concédant deux tours de retards sur la voiture de tête. Profitant des différents incidents de course et de la pluie dans les trois dernières heures, ces trois-là allaient grimper encore au classement, la #88 s’offrant même une magnifique deuxième marche du podium, pour 5″ d’avance sur l’Audi #28 qui revenait à grandes enjambées dans les dernières minutes de l’épreuve. Il s’en est même fallu de peu que la #86 ne figure elle aussi sur le podium si elle n’avait écopé d’un drive trough pour unsafe release lors du dernier changement de gommes à une demi heure de l’arrivée. Elle terminera finalement cinquième devant la #84. Avec trois voitures dans le Top 6 final, sans jamais avoir signé de chronos affolants, Mercedes peut nourrir d’énormes regrets d’avoir manqué de discernement en Super Pole. Car sans le retard pris en début d’épreuve, on voit mal qui aurait pu empêcher les AMG GT3 de l’emporter à la régulière.
Nissan : Clairement, les Nissan ont déçu! Plus particulièrement la #23 engagée en « Overall » et confiée à Lucas Ordonez- Mitsunori Takaboshi et Alex Buncombe. S’il est vrai que le circuit de Spa-Francorchamps n’est pas le terrain de jeu idéal pour la GT-R Nismo GT3, le contraste avec les prestations de Godzilla lors des deux éditions précédentes est édifiant. Incapable de se hisser en Super-Pole, là où elle a l’habitude de briller sur un ou deux tours lancés, la GT3 nippone n’a pas non plus su trouver la parade à son mal chronique dans la gestion des gommes sur la durée d’un relais. Pataude sur la piste, parfois hésitante dans les stands et rarement bien inspirée sur le plan stratégique, l’équipe Nissan GT Academy Team RJN est passée au travers le weekend dernier, la fiabilité n’étant même pas totalement au rendez-vous. La #22 inscrite en Pro-Am Cup terminera la course 37ème à 26 tours des vainqueurs tandis que la #23 échoue 7 places plus loin encore…

Porsche : Dernière marque dans l’ordre alphabétique, Porsche aura constitué l’une des bonnes surprises de ces Total 24 Heures de Spa 2016. Avec 4 Porsche 911 au départ, deux GT3 R en GT3 Pro-Am Cup et deux 991 GT3 Cup en Groupe National, on ne peut pas dire que le cheval cabré teuton partait avec les faveurs des pronostics. Si l’on se doit de souligner la belle course des deux équipes engagées en Groupe National, Speed Lover et RMS, qui ont su se tenir à l’écart des incidents ayant émaillé l’épreuve et voir le drapeau à damier en ordre utile aux 47ème et 48ème places, nous mettrons ici en exergue la superbe performance de la #76 d’IMSA Performance. Passons sur l’épisode malheureux de l’accrochage entre Kevin Estre, au volant de la #77 Attempto Racing alors qu’il sortait des stands, et Ishikawa Motoaki aux commandes de la Ferrari #53 à la sortie du Raidillon, qui nous aura valu la première longue neutralisation pour réparer le rail de sécurité. Dommage car l’équipage de la formation allemande pouvait prétendre à un bon résultat en Pro-Am Cup. Mettons plutôt l’accent sur la prestation d’IMSA Performance et du quatuor Patrick Pilet-Maxime Jousse-Raymond Narac-Thierry Cornac. Déjà plébiscitée pour la magnifique décoration aux couleurs d’une célèbre marque d’appareils photos, la Porsche #76 s’est distinguée par une course exemplaire, un peu à l’image des vainqueurs du classement général. On peut d’ailleurs étendre le parallèle entre la BMW #99 ROWE Racing et la Porsche IMSA Performance #76 plus loin : – Dans les deux cas, les équipages étaient cohérents, rapides et n’ont commis aucune erreur sur ou en dehors de la piste, enchaînant les relais avec constance et intelligence, sans jamais brusquer la mécanique ou être impliqués dans un quelconque incident de course. – Dans les deux cas, les voitures ont fait preuve d’une fiabilité irréprochable et d’une belle homogénéité tout au long de leurs runs, tout en étant jamais la voiture la plus rapide de sa catégorie. – Dans les deux cas, les mécaniciens et les ingénieurs ont su agir quand c’était nécessaire, avec calme, rapidité et efficacité, sans se précipiter ni commettre de faute stratégique. Il faut féliciter chaque membre de l’équipe IMSA Performance qui a su prendre la mesure des Audi, Lamborghini ou Mercedes de la concurrence, pourtant redoutables. Au terme d’une course qui s’est « résumée » à rouler, rentrer, ravitailler, repartir lors de chaque relais, la Porsche 911 GT3 R #76 a franchi la ligne d’arrivée en dixième position, s’offrant la première marche du podium en Pro-Am Cup sans que qui que ce soit puisse lui contester cette victoire acquise avec un tour d’avance sur le deuxième. Avec les points de la quatrième place à la mi-course et de la huitième après 6 heures de compétition, l’équipage de la #76 fait une bonne opération au classement et pourrait viser la troisième place du championnat en Pro-Am Cup lors de la finale au Nürburgring.